Idées politiques générales
– Démocratie et expression des citoyens.
Nous vivons dans une soi-disant démocratie. La notion de démocratie est aussi fragile que celle de la science. Certains peuvent se dire scientifiques ou démocratiques mais, quand on voit quelle main les nourrit, on peut soupçonner les conflits d’intérêts et les biais.
En principe on pourrait s’attendre à ce que, dans une démocratie, les citoyens puissent participer aux orientations politiques de manière plus active qu’en votant une fois aux quatre ans pour choisir des représentants à qui ils confient l’orientation de la société. On pourrait s’attendre à ce que les citoyens aient à leur disposition des moyens pour exprimer leurs craintes et leurs rêves, leurs soucis et leurs critiques, leurs questions et leurs solutions. Selon mon expérience personnelle, ces moyens sont très limités.
Partager ses idées sur les réseaux sociaux est comme lancer une bouteille dans une mer de… bouteilles. Écrire des lettres aux journaux comporte tellement de critères et de restrictions qu’on a peu de chances d’être publié. Écrire directement aux élus nous vaut, au mieux, un accusé de réception poli et préformaté. S’impliquer comme débutant dans un parti peut donner l’impression au début de n’être qu’un enfant parmi un groupe d’adultes, ayant une hiérarchie bien établie avec un langage codé et hermétique, qui lui font comprendre qu’il est trop petit, qu’il ne comprend rien à ce qui se passe et qu’il pourra s’exprimer quand il sera grand. Il reste toujours la possibilité de grimper sur une voiture au milieu d’un stationnement de centre d’achat pour faire un discours aux passants. Mais je n’en suis pas là. J’ai longtemps eu l’impression que je n’avais pas assez de connaissances pour exprimer des opinions valables, que j’étais trop jeune, sans suffisamment d’expérience. Mais aujourd’hui, après presque trois quarts de siècles de réflexion, j’estime avoir des idées intéressantes à partager et, puisqu’on ne me demande pas mon avis, je vais le donner… gratuitement, et sans savoir où il aboutira.
Je ne suis spécialiste de rien et mes idées pourront paraître surprenantes, naïves, déconnectées ou utopistes aux yeux des observateurs avisés et soi-disant réalistes. Qu’on les écoute d’abord et qu’on les considère en tout honnêteté intellectuelle, c’est ce que je souhaite. Et, si parfois sur certains points elles ne tiennent pas toutes la route, qu’on en reconnaisse au moins les éléments valables.
-Souveraineté locale et autorité mondiale.
D’une manière générale, nous sommes, chacun à notre façon, tiraillés entre deux tendances. Nous aimons notre liberté, celle qui nous permet de faire nos propres choix dans notre propre maison, notre ville, notre village ou notre région proche. Nous n’aimons pas que des décisions qui nous concernent soient prises à notre insu par des gouvernements lointains qui n’ont aucune idée de ce qui se passe chez nous et qui ne sont pas intéressés à le savoir. Nous nous sentirions démunis si nous apprenions, par exemple, qu’un accord de libre-échange avec des pays du bout du monde nous empêche de réglementer le commerce de produits toxiques qu’on ne souhaite pas voir circuler dans notre environnement. Si nous voulions, pour un autre exemple, faire un règlement municipal pour interdire les bateaux à moteurs sur un lac, dont on cherche à préserver la qualité de l’eau, et qu’on se faisait dire qu’on ne peut rien faire car le lac relève du pouvoir fédéral, nous serions frustrés de cette impuissance.
Par ailleurs l’autre tendance se manifesterait si une entreprise d’exploitation d’énergie nucléaire, à l’autre bout du continent, laissait échapper des nuages radioactifs qui nous parviendraient transportés par les vents dominants; nous serions les premiers à souhaiter l’existence d’une autorité mondiale qui entendrait nos plaintes et imposerait des corrections, voire une suspension d’activité, à l’industrie fautive. De même, quand on est témoin d’horreurs qui se passent dans des pays lointains, on se demande comment il se fait que l’ONU n’a pas les pouvoirs pour intervenir et faire cesser le drame.
Ainsi, selon nos intérêts, nous sommes partagés entre la mondialisation et la souveraineté. Il me semble que cette prise de conscience devrait nous permettre de nuancer nos propos quand nous prenons partie pour une ou l’autre de ces deux options. Ce faisant nous développerons plus de tolérance, de civilité et d’ouverture dans les discussions sur le sujet. Il me semble aussi que les deux tendances ont droit à leur existence et qu’une façon des les concilier, théoriquement du moins, serait de les considérer à partir de ce principe : si ça nous concerne nous avons un droit de décision, ou, à tout le moins, notre point de vue doit être considéré. Quelle que soit l’évolution vers laquelle nous irons, ces deux tendances vont toujours se manifester d’une manière ou d’une autre et il faudra trouver des moyens de les harmoniser.
-Charte des responsabilités et solidarité intermaillons
Il existe une charte des droits mais il faudrait qu’elle soit équilibrée par une charte des responsabilités. Nous sommes tous les maillons de plusieurs chaînes à la fois. Dans la chaîne des générations, par exemple, nous sommes un maillon entre nos arrières-arrières-grand-parents jusqu’à nos éventuels arrières-arrières-petits-enfants et davantage. On peut aussi se trouver à travailler sur une chaîne de montage ou dans n’importe quelle entreprise où chacun a un rôle à jouer dans une équipe. Notre manière de jouer notre rôle a un impact sur chacun des autres maillons de l’équipe. Notre manière de trier nos matières recyclables aura un effet sur le travail de ceux qui collectent, transportent ou trient ces matières. Notre façon d’élever un enfant aura un effet sur sa vie et la vie de ceux qu’il croisera. La qualité du travail d’un architecte aura une répercussion sur le travail de l’arpenteur, l’excavateur, ceux qui feront le solage et tous les ouvriers qui se succéderont dans la construction d’une maison, jusqu’au peintre qui mettra la touche finale. Souvent, si le premier au début de la chaîne bâcle son travail, tous les autres maillons sont influencés. Il serait bien de développer ce sens de la responsabilité entre les maillons.
Imaginons une équipe de travail dans un champ où on récolte des choux à l’automne. Il fait froid avec une pluie intermittente, le terrain est boueux. Cinq ou six employés pataugent transis sous leurs imperméables. Ils coupent des choux et les déposent sur une large voiture tirée par un tracteur. Sur la voiture, trois ou quatre autres les débarrassent de leur excédent de feuillage, les rincent avec un jet d’eau et les placent dans des boîtes de carton ciré qu’ils empilent jusqu’à ce qu’un autre tracteur vienne prendre les boîtes pleines pour les remplacer par des vides. Les mauvaises conditions font que les cueilleurs sur le champ n’arrivent pas à suivre la cadence voulue. Le conducteur de tracteur ralentit et arrête parfois. Les employés sur la voiture attendent souvent qu’on les fournisse. La solidarité ici ferait que, naturellement, les employés sur la voiture viendraient en aide à ceux dans le champ au lieu de se tourner les pouces. Ils alterneraient aussi leurs rôles pour permettre aux marcheurs de se reposer un peu. Même le conducteur assis bien au chaud céderait sa place à un employé fatigué pour prêter main-forte aux autres sur le champ. Cette solidarité intermaillons peut trouver son application à différents niveaux dans notre société. Elle rejoint le principe de la responsabilité quand on imagine, par exemple, comment on décide de construire une maison si on pense aux conséquences de notre travail sur ceux qui viendront après nous. Ayant, dans le passé, démoli des maisons pour en récupérer les matériaux, je me rendais bien compte que, plus les techniques de construction se modernisaient, plus il devenait difficile de récupérer quoi que ce soit. Il est rarement possible maintenant de retirer les clous d’une planche car ce sont des broches fichées à l’aide d’une machine à compression. Alors on jette le tout dans un gros conteneur et tant pis pour l’économie circulaire. Si l’industrie tenait en compte la recyclabilité de tout ce qu’elle produit, ce serait une belle manifestation de responsabilité sociale.
Ainsi, il me semble que cette notion de responsabilité pourrait se traduire dans des lois, règlements, conventions et normes concernant tous les produits qui seraient mis sur le marché. Un réfrigérateur, par exemple, devrait être conçu pour se démonter et se recycler facilement à la fin de sa vie utile. Idéalement il serait repris en charge par son fabricant. Les marchandises seraient assujetties à une taxe plus ou moins élevée, selon leur degré de recyclabilité. Cette taxe inciterait les fabricants à bien concevoir leurs produits. Ils seraient responsabilisés vis-à-vis des autres maillons.
– Obsolescence programmée
J’ai entendu récemment qu’un chargé de cours en droit à l’Université de Sherbrooke avait proposé à ses étudiants de monter un projet de loi concernant l’obsolescence programmée. Je salue cette initiative et j’espère que, même si elle n’abouti pas, à court terme, à la création réelle d’une réglementation, elle aura au moins le mérite d’attirer l’attention sur le problème et de suggérer des pistes de solution.
– Recyclage
Il y a encore beaucoup à faire, particulièrement dans l’organisation du recyclage, pour atteindre une économie circulaire. Jusqu’à maintenant on s’est concentré sur la participation des citoyens en leur demandant de mettre leurs matières dans le bac vert. Ceux-ci participent de manière plus ou moins convaincue. Une des raisons, selon moi, de ce manque d’enthousiasme pourrait être le fait que beaucoup de produits de consommation sur le marché sont difficilement recyclables dans leur état actuel. Le principal problème réside dans les produits combinant différentes matières difficiles à séparer. Par exemple un emballage comprenant du carton recouvert de plastique ou d’une pellicule d’aluminium. Il est souvent impossible de séparer ces deux matières et le produit sera destiné à l’enfouissement parce qu’on ne pourra en tirer un carton ou un plastique de qualité. Le même problème se présente avec un cahier de feuilles de papier reliées par des broches en métal ou un boudin en plastique. Ça ne fait ni du bon métal, ni du bon papier ni du bon plastique. Une infinité d’objets courants comportent aussi une combinaison de matières difficiles à séparer. Un réfrigérateur, par exemple, est fait de métaux et de plastiques qui n’ont pas été conçus pour être facilement démontables et recyclables.
Il faut admettre que les fabricants de tous les produits qui se retrouvent sur le marché ont une part de responsabilité dans la conception et la fabrication de leurs produits. Les produits commercialisés sont, en général, soumis à une réglementation concernant l’étiquetage et la sécurité, par exemple. Des normes devraient être établies concernant aussi la recyclabilité, simplement parce que le fait de produire quoi que ce soit qui a une durée de vie limitée impose un fardeau aux autres maillons de la chaîne production-consommation-recyclage. Ce fardeau doit être réduit à la source ou compensé par une taxe. Ainsi les producteurs de réfrigérateurs fabriqueraient des appareils dont les composantes se démonteraient facilement. Les centres spécialisés pourraient en récupérer efficacement les matières; à moins que le producteur veuille se charger lui-même de récupérer l’ancien appareil et d’en recycler les composantes. Ce principe d’une taxe sur la recyclabilté devrait s’appliquer sur tout produit commercialisé. Pour l’éviter, les producteurs auraient avantage à concevoir les produits et les emballages les plus écologiques possibles.
– Réutilisation
Dans les années 1990 je m’étais exprimé à une émission de ligne ouverte, à la radio, concernant le recyclage. J’avais proposé qu’on standardise les contenants alimentaires de façon à en faciliter la réutilisation comme on le fait (ou, du moins, comme on le faisait) pour les bouteilles de bière. L’animateur m’avait un peu ridiculisé en disant que ça tuerait toute forme de fantaisie et de créativité.
Si je comprends bien, les distributeurs de bière livrent des camions pleins dans les commerces et repartent avec des caisses de bouteilles vides qui seront stérilisées et emplies à nouveau. Je ne suis pas certain si ça se fait toujours comme ça; peut-être que maintenant une partie de ces contenants sont plutôt fondus pour en faire de nouveaux ou pour d’autres usages. Ça pourrait se comprendre étant donné qu’il se développe maintenant une plus grande variété de formes, de dimensions et de couleurs de ces bouteilles, au nom de la fantaisie et de la créativité justement, pour stimuler la consommation. Quoi qu’il en soit, je suis persuadé qu’on doit dépenser beaucoup plus d’énergie à refondre du verre pour refaire de nouvelles bouteilles qu’à simplement les stériliser. Et il est évident que, si toutes les bouteilles ont la même forme, dimension et couleur, cela en simplifie grandement la réutilisation.
Comme cela se faisait couramment avant avec les bouteilles de lait et de bière, on se demande pourquoi cela ne s’est jamais fait avec les bouteilles de vin. Résistances des producteurs qui tiennent à se démarquer par leur fantaisie ou complications dues à l’importation d’outre-mer?
En ce qui concerne tous les autres contenants alimentaires ou utilitaires dans le commerce, on comprend que leur grande variété actuelle en rendrait la réutilisation très compliquée. Mais, si on considère la possibilité de légiférer en faveur d’une standardisation de tous ces pots et bouteilles, la chose devient envisageable et on peut y voir de multiples avantages.
Voyons d’abord à quoi pourrait ressembler cette standardisation.
- Les pots et bouteilles de verre pourraient être transparents pour tous les contenus qui le permettent ou d’une certaine couleur pour les cas où le contenu demande une protection contre les effets de la lumière.
- Les pots auraient tous la même forme simple et ronde, avec un couvercle de pleine largeur pour en faciliter le vidage, ce qui éviterait un certain gaspillage alimentaire. Leur large ouverture en simplifierait le lavage, avant son retour à la consigne, ainsi que la stérilisation.
- Des couleurs et des formes différentes seraient utilisées pour des produits non alimentaires, comme des produits de nettoyage ou des médicaments, avec une couleur particulièrement voyante pour les produits toxiques; ceci afin d’éviter que ces contenants soient réutilisés dans la chaîne des produits alimentaires. Le nombre de couleurs et formes devrait être limité au minimum pour éviter toute confusion.
- Ils devraient se limiter à des volumes précis : ¼ de litre, ½ litre, 1 litre, 2 litres etc. ce qui aurait aussi l’avantage pour les consommateurs de se faire rapidement une idée des prix, n’ayant plus à calculer si 321 millilitres à 4,72$ reviennent plus cher que 405 ml à 5,95$. On ne se ferait plus berner par les tactiques de changement de format.
- Ils seraient pourvus d’une étiquette en papier facile à retirer sans laisser de trace, parfois aussi munis d’un sceau, en papier également, qui se briserait automatiquement en dévissant le couvercle. Les consommateurs pourraient facilement mettre cette étiquette au recyclage; sinon elle serait quand même simple à retirer avant la stérilisation.
- Les contenants qui dérogeraient à ces règles se verraient taxés en fonction de l’inconvénient éconologique que leur choix comporterait.
- Les contenants de plastique seraient progressivement éliminés, sauf pour des cas où il y aurait une justification majeure.
- Ces formats réguliers faciliteraient la disposition sur les étalages des commerces.
- Les caisses de livraison seraient conçues pour être durables et adaptées à ces formats, comme les caisses de bières anciennement ou les caisses de plastique qui contenaient des sacs de lait ou encore les caisses de liqueurs douces ou boîte à beurre en bois. Les caisses pourraient être toutes de mêmes dimensions extérieures avec des subdivisions internes différentes selon les formats de pots ou bouteilles, ce qui en faciliterait la manipulation.
- Ces mêmes caisses serviraient au consommateur pour ranger ses pots avant de les ramener au commerce. Le calcul de la consigne en serait simplifié.
- Les caisses seraient elles-mêmes consignées.
- Certains commerçants préféreraient peut-être donner des coupons d’achat en échange des contenants pour éviter trop de manipulation de monnaie.
- Les gens qui ne voudraient pas ou ne pourraient pas rapporter leurs contenants trouveraient des alliés chez les enfants ou toute personne qui souhaite se faire quelques sous en revendant des pots ou bouteilles.
- Ces revendeurs pourraient écouler leurs collectes dans de petits commerces, spécialisés dans la consigne, établis dans les quartiers, créant des emplois et réduisant la manutention pour les consommateurs et les commerçants.
- Les camions des distributeurs reviendraient chargés à leurs points de départ, le même réseau qui sert à la distribution étant réutilisé pour retourner les contenants aux points de production.
Par ailleurs, cette formule d’économie circulaire pourrait également s’appliquer de manière générale aux produits de consommation. C’est-à-dire que tout produit arrivé à la fin de sa vie utile pourrait soit emprunter le circuit de retour vers son point de production où il serait démantelé et recyclé, soit être suffisamment écologique pour être pris en charge par les réseaux actuels. Cette méthode inciterait tous les fabricants à concevoir leurs produits en fonction de l’économie circulaire. Tout produit sur le marché serait soumis à une taxe proportionnelle à son degré de difficulté de recyclage. La responsabilité écologique serait un élément de base dans l’industrie et le commerce, comme il est acquis, par exemple aujourd’hui, qu’il y a une responsabilité de mettre sur le marché des produits sécuritaires. Personne n’oserait remettre ça en cause.
Quelques inconvénients et obstacles sont à prévoir concernant la consigne des contenants:
- La résistance aux changements d’habitude.
- La résistance des commerçants qui craindront de devoir assumer un fardeau supplémentaire.
- La réorganisation de l’industrie des contenants. Ceux qui sont dans la production de plastique feront certainement des pressions contre cette orientation. Ceux qui sont déjà dans la fabrication des contenants de verre verront d’un bon œil la croissance de la demande, dans un premier temps, mais craindront la baisse lorsque les nouveaux pots commenceront à être réutilisés. Dans ces deux derniers cas, pour protéger leurs investissements ils feront valoir la menace des pertes d’emplois.
On se retrouve ici devant un problème de fond associé à nos structures sociales; la répartition de l’emploi, des richesses et des pouvoirs devra, tôt ou tard, être remise en question. C’est toute la notion de la hiérarchie du capital qui doit être repensée. Est-ce que, pour maintenir cette hiérarchie en place, on doit renoncer à des solutions logiques économiques et écologiques qui seraient dans l’intérêt de tous?
Guy Richer avril 2019
Nouveaux moyens, nouveaux besoins
Un autre sujet qui me préoccupe est lié au transport. On cherche toutes sortes de solutions pour en améliorer l’efficacité, en réduire les coûts et l’impact écologique. Il y a plusieurs solutions à différents niveaux: transport en commun, transport actif, auto électrique etc. Mais il y a un point qu’on oublie ou sur lequel on préfère se fermer les yeux. Je veux parler d’un cercle vicieux qui pourrait se résumer ainsi: nouveaux moyens, nouveaux besoins.
Si on revient un peu dans le temps, avant l’invention de l’automobile, on voit qu’en ce temps-là le transport était très limitant par rapport à aujourd’hui. Il était impossible, par exemple, de travailler loin de son lieu de résidence. Il fallait que le trajet soit faisable à pied ou à cheval. Les écoles étaient dispersées dans chaque quartier, dans chaque village, pour que les enfants puissent y marcher. Sinon les étudiants étaient pensionnaires. Les commerces également se répartissaient pour atteindre leur clientèle. Chaque petite ville avait des dizaines d’épiceries, de boulangeries, de ferronneries, de cordonniers. Les églises couvraient un rayon marchable qui constituait leur paroisse, etc.
L’automobile est arrivée comme une bénédiction et on l’a adoptée sans réserve avec un enthousiasme extrême. Sans qu’on y prenne garde, nos structures urbaines se sont transformées progressivement. On a centralisé les écoles et les enfants ne marchent plus. L’épicier et le boulanger du quartier ont fermé leurs portes au profit des centres d’achat où, pour accueillir les voitures, on a aménagé d’immenses champs d’asphalte là où, naguère, on cultivait du blé et des tomates. On importe par camion et avion, de plus en plus loin, la nourriture qu’on ne produit plus ici. Des travailleurs, heureux de pouvoir enfin travailler en ville et dormir à la campagne, font désormais le trajet des Laurentides à Montréal soir et matin, congestionnant les ponts et autoroutes, sans parler du smog engendré. Vous avez besoin d’un médecin? N’en cherchez pas dans votre village; il faut prendre sa voiture ou une ambulance.
Bref, les infrastructures ont explosé, les gens se sont dispersés et les services se sont concentrés. Une route est-elle trop engorgée? On fera une nouvelle autoroute, un nouveau pont… ce qui incitera plus de gens à s’établir dans ce secteur devenu tout à coup beaucoup plus accessible. Quelques années plus tard l’autoroute sera engorgée à son tour. Voulez-vous voir le monde, l’Europe, l’Asie? Passer un petit dix jours tout compris dans le sud au soleil? Pas de problème, tout le monde le fait, les coûts sont bas. Mais on se ferme les yeux sur le coût environnemental de chaque décollage. À combien de kilomètres de voiture équivalent les gaz à effet de serre d’un petit tour à Paris? Je ne m’en souviens plus mais je sais que c’est énorme.
N’y aurait-il pas moyens de considérer ce cercle vicieux dans l’élaboration de notre politique de transport. Il faudrait que le ministère des transports parle avec le ministère des infrastructures urbaine, le ministère de la santé, du commerce, de l’industrie, de l’éducation etc. Il faudrait repenser les infrastructures de façon à favoriser la vie à pied (démarche qui ne sera certainement pas commanditée par les lobbies de l’automobile, du pétrole, des fabricants de béton et d’asphalte).
Jusqu’à un certain point, une telle démarche peut représenter un mouvement vers la simplicité volontaire, à tout le moins une profonde réorganisation et remise en question de notre mode de vie. Je sais que ce n’est pas très vendeur politiquement parlant. Mais on peut aussi se mettre la tête dans le sable et attendre que la nature règle ses problèmes à sa façon et à nos dépends.
Guy Richer avril 2019
– Infrastructures, transports et changements climatiques.
Quand j’entends les discussions sur ces trois sujets, je remarque qu’on évite d’aborder un phénomène qui, si on ne le prend pas en compte, restera toujours un élément fondamental du problème.
Si on recule dans le temps, avant l’invention de l’automobile, on constate que les infrastructures étaient conçues en fonction des transports par bateau, à cheval ou à pied. Les déplacements étaient extrêmement limités par rapport à aujourd’hui. Les villes et villages étaient forcément conçus de façon à pouvoir fonctionner avec ces limites. Par exemple les employés d’une entreprise devaient demeurer à l’intérieur d’un certain périmètre de leur lieu de travail de façon à ce que le temps consacré aux déplacements soit raisonnablement proportionnel à celui du travail. De même les étudiants se rendaient à pied à l’école. S’ils demeuraient trop loin, ils prenaient pension près de l’institution qu’ils fréquentaient. Il y avait un médecin dans la plupart des villages assez populeux. Quant aux services, aux commerces etc., ils étaient décentralisés pour rejoindre au maximum la population.
Avec l’apparition de l’automobile ces structures ont explosé.
– Les travailleurs ont choisi d’habiter plus loin se disant qu’une demi-heure de voiture les fatiguerait moins qu’une demi-heure de marche.
– Les entreprises se sont éloignées des centres-villes se disant que leurs employés avaient les moyens de se déplacer.
– On a centralisé les écoles, ce qui oblige les élèves à prendre l’autobus scolaire les privant ainsi d’exercice quotidien et leur apprenant à trouver normal ce temps perdu chaque jour, le gaspillage d’énergie (gros autobus lourds) et la pollution qui y est associée.
– Les commerces de quartiers se sont déplacés vers des centres d’achats en périphérie des villes privant du coup les citoyens des services de proximité, les forçant à se convertir à l’auto et détruisant au passage, pour leurs immenses stationnements, des surfaces planes généralement propices à l’agriculture.
– Les médecins et infirmières ont cessé de se rendre à domicile et on a concentré leurs services dans d’immenses hôpitaux centralisés avec stationnements payants à la clef.
– La production alimentaire et industrielle s’est délocalisée avec un effet discutable sur les prix et un effet certain sur la pollution et les besoins de routes.
Finalement, on croyait gagner du temps mais on passe plus de temps qu’auparavant dans les transports. J’oublie certainement d’autres exemples mais tout ceci est pour dire que, si on ne remet pas en question ce modèle, on perpétue un cercle vicieux inquiétant. Je me souviens cette déclaration à la radio d’un maire de la Rive-Sud de Montréal se réjouissant que le futur pont Champlain soit désormais plus performant parce que ça allait permettre un développement considérable de sa municipalité. Ce qu’il ne disait pas c’est qu’en développant davantage sa municipalité les besoins en transport allaient augmenter à leur tour, surtout que la population nouvelle viendrait de ceux qui projettent demeurer sur la Rive-sud tout en travaillant à Montréal.
Pour ne pas tomber éternellement dans ce piège de la croissance il faudrait accorder une place à une restructuration des infrastructures qui favoriserait la vie à pied. Il faut que cette orientation s’accompagne d’une promotion et d’éducation de façon à faire prendre conscience aux gens du problème; il faut également leur faire voir les avantages de se libérer de la dépendance à l’automobile. Ça ne règlerait pas tout car il faut songer aussi à développer les transports durables, plus verts; peut-être, par exemple, songer à remettre en fonction le train du Curé Labelle pour désengorger l’autoroute 15. Bombardier ne fabrique-t-elle pas des trains?
Et je suis bien conscient que des politiques dans ce sens heurteraient les intérêts des grandes corporations dans le pétrole et l’automobile ainsi que les constructeurs de routes. La croissance est leur credo. « Crois ou meurs » est leur motivation. Et ils ont raison jusqu’à un certain point car le paradigme actuel du capitalisme ressemble étrangement aux règles du jeu de monopoly: tu dois manger ton voisin sinon il va te manger. Plus le jeu avance, moins il y a de joueurs et plus ils sont gros. Naturellement ces principes de base nous entraînent dans une croissance perpétuelle. Or on sait que la croissance indéfinie, sans égard aux structures de l’organisme dont fait partie une cellule, est le principe du cancer. On le voit par exemple dans les fusions de plus en plus courantes de méga corporations (Monsanto/Bayer par exemple). Les gouvernements ont de moins en moins de pouvoir. Les lois sur les monopoles semblent assez timides et inefficaces pour obtenir une forme de capitalisme tempéré, qui serait un moindre mal.
L’Autopuce
L’Autopuce est un système de covoiturage souple dont les objectifs sont :
1- Combattre la pollution en réduisant le nombre de véhicules circulant sur les routes
2- Désengorger la circulation
3- Réduire les coûts de transport de ceux qui l’utilisent
Fonctionnement :
Les usagers doivent d’abord s’abonner à L’Autopuce comme passager ou comme propriétaire d’un véhicule. Lors de cet abonnement, les usagers consentent à ce qu’une enquête soit faite sur eux afin d’assurer la sécurité du système.
Les propriétaires de véhicules achètent un appareil comprenant deux items :
1- Un lecteur de carte à puce (d’où le nom « Autopuce ») qui sera fixé à l’extérieur, sur la porte avant, du côté du passager.
2- Un mini-ordinateur, fixé au tableau de bord, dont le fonctionnement s’apparente à un GPS.
Les passagers achètent une carte à puce identifiée à leur nom en payant d’avance pour un nombre de kilomètres à parcourir.
Les passagers qui veulent parcourir un trajet se rendent sur un coin de rue où se trouve un arrêt. Lorsqu’ils voient venir en leur direction un véhicule identifié par un petit drapeau vert, ils savent qu’il s’agit d’un conducteur qui participe au système. Ils lèvent leur carte à puce verte pour signaler au conducteur de s’arrêter, comme pour faire du pouce (d’où le nom Autopuce). Si le conducteur est disponible, il s’arrête et le passager introduit sa carte dans le lecteur sur la portière.
Si la carte est en règle (elle n’a pas été déclarée volée, il y a un dépôt suffisant, il n’y a pas eu de plainte contre cet usager), la portière se déverrouille puisque le lecteur est relié au GPS sur le tableau de bord et que ce dernier est relié à la centrale du système, qui confirme la validité de la carte, comme une carte de débit lorsqu’on fait un achat.
Le passager monte et s’entend avec le conducteur sur le trajet. Il se peut que le conducteur aille assez près d’où le passager veut se rendre, mais il est possible également que le passager doive descendre à un certain point pour poursuivre sa route dans une autre direction. En ce cas il pourra se déplacer par saut (comme une puce, d’où le nom Autopuce) en passant d’un véhicule à l’autre.
Lorsque le passager descend, il doit d’abord passer sa carte dans le GPS sur le tableau de bord. Celui-ci enregistre le kilométrage qui a été fait à bord de ce véhicule et crédite un montant au propriétaire tout en retirant un montant au compte du passager. Ce montant est un tarif au kilomètre calculé en fonction, principalement, du coût de l’essence et des coûts de l’administration du programme.
Idéalement, le système est administré par une entreprise à but non-lucratif ou par un organisme public. Dans un cas comme dans l’autre, il importe qu’il reçoive un soutien des autorités sur les plans financier, logistique et promotionnel de façon à assurer la confiance du grand public,
surtout lors de la période de démarrage; parce que, pour qu’il fonctionne bien, il faut qu’il soit généralisé. En effet, qui voudra s’inscrire comme conducteur s’il n’y a à peu près personne à prendre sur son trajet. De même qui voudra acheter une carte et attendre sur un coin de rue un véhicule qui ne vient pas.
L’Autopuce peut s’appliquer au transport rural, mais, dans un premier temps, il est préférable qu’elle soit mise sur pied en milieu urbain, vu le grand nombre d’utilisateurs possibles, et la ville de Montréal serait tout indiquée pour un projet-pilote. On peut aussi attendre d’un tel système qu’il favorise la convivialité parmi la population, ce qui est un bénéfice sur le plan de la solidarité sociale.
Il semble que des systèmes apparentés fonctionnent dans divers pays, d’Afrique et d’Amérique du Sud notamment. Les gens arrêtent tout simplement des voitures sur la rue et négocient avec les conducteurs un tarif pour le trajet prévu. L’Autopuce serait plus structurée et encadrée.
Ce système viendrait compléter les transports en commun car souvent ceux-ci ne peuvent répondre aux besoins de la population. En effet, il y a un grand nombre de gens qui ont à se déplacer et qui, pour toutes sortes de raisons, n’ont pas un horaire typique (les autobus sont alors plus rares), n’ont pas un trajet typique (les réseaux de transport en commun ne leur conviennent pas) ou ont des objets ou des jeunes enfants, par exemple, à transporter (encore une fois les autobus ne conviennent pas). Ces gens, lorsqu’ils en ont les moyens, vont souvent alors préférer prendre leur voiture. Je me cite en exemple : comme contrebassiste, j’ai souvent à me déplacer avec toutes ces contraintes. On peut comprendre que, si j’ai à partir de Longueuil un dimanche matin pour me rendre jouer à Laval avec ma contrebasse et mon équipement, en passant par l’échangeur Tricot et l’autoroute des Ralentides, je ne songe même pas à prendre les transports en commun. Par ailleurs, tout le long de mon trajet, je vois des gens qui attendent des autobus longs à venir ou qui se déplacent seuls dans leur voiture alors que j’aurais de la place pour deux passagers avec moi.
Ces conditions m’ont inspiré ce système, mais je n’ai personnellement ni les moyens ni la compétence pour le mettre sur pied. Par contre en diffusant l’idée (concept de base qui peut sûrement être amélioré) j’espère sensibiliser des gens qui seraient mieux placés que moi pour mettre un tel programme en place ou, du moins, pour en faire la promotion auprès des décideurs de notre société.
J’invite donc tous ceux qui partagent mon idée à en faire la promotion chacun de son côté, chacun à sa façon, que ce soit en faisant parvenir une copie de ce texte à des organismes comme Équiterre, des journaux, des revues, des émissions de radio, la mairie de Montréal, les ministres des Transports et de l’Environnement ou nos députés ou tout ce que vous pouvez imaginer. Faites suivre à vos amis.
Merci de m’avoir lu. Merci de vous impliquer.
Guy Richer Le 8 mai 2009
– Protection de l’eau
Devant le défi de préserver la qualité de nos plans d’eau, il faut se libérer de cette habitude de considérer l’eau comme une poubelle. Historiquement le problème ne se posait pas tant que la proportion de ce qu’on y jetait restait négligeable par rapport à l’immensité des cours d’eau. Il y a, bien sûr, la contamination agricole par le lessivage des engrais solubles et des pesticides. Il y a aussi la pollution industrielle toujours menaçante. Mais je voudrais souligner le problème des égouts qui comporte aussi sa part de défi.
L’invention de la toilette à eau est apparue comme une bénédiction pour l’hygiène publique et il a fallu quelques siècles avant de constater que le problème était juste pelleté en avant. Bien sûr en apparence la propreté règne puisque nos déchets intestinaux sont éloignés de notre vue et de notre odorât.
Nous avons construit des infrastructures énormes et coûteuses pour transporter l’eau et la traiter. L’eau sert ici de moyen de transport pour évacuer nos déchets, soit pour tenter de les camoufler, comme à l’origine dans d’immenses cours d’eau, soit pour tenter de les composter après les avoir laissé décanter dans des bassins.
Si on regarde dans la nature les conditions favorables à un compostage rapide et complet des matières organiques, on constate qu’il faut quatre éléments pour y arriver. Ce sont les quatre éléments qu’on trouve souvent cités dans la littérature « ésotérique » : la terre, l’eau, l’air et le feu.
La terre: En effet, pour qu’un fumier ou une matière organique quelconque se transforme en humus, il faut que cette matière soit en contact avec le sol, ou, du moins avec de la terre. La terre abrite les nombreux micro-organismes qui vont s’attaquer au fumier: des vers de terre, des insectes de toutes sortes, des champignons microscopiques, des bactéries etc. Tous ces êtres vivants vont se nourrir de ces déjections et vont, à leur tour, produire des déjections qui nourriront les organismes de dimensions plus petites, jusqu’à décomposer totalement le produit en minéraux dans un humus digeste pour la végétation qui s’en nourrira.
L’eau: Toute cette vie qui dégrade la matière a besoin d’un certain degré d’humidité pour s’activer. Du fumier sec dans un environnement sec ne se décompose pas.
L’air: De même il faut de l’oxygène pour permettre aux microorganismes de vivre et mener à terme la décomposition. Une décomposition anaérobique est toujours possible mais elle est beaucoup plus longue et ne donne pas un produit idéal pour fertiliser les sols.
Le feu: On parle ici de chaleur car il faut une température adéquate pour que le processus de compostage se réalise.
Non seulement ces quatre éléments doivent être présents mais ils doivent l’être en proportions équilibrées. Des matières trop froides prendront trop de temps à se décomposer; trop mouillées et compactes, elles manqueront d’air et le processus sera également compromis. Si elles sont trop sèches, il ne se passera rien non plus et s’il n’y a pas assez de terre, les microorganismes prendront trop de temps pour les coloniser et s’y activer.
Nos systèmes actuels de collecte des égouts et de récupération des boues ont de sérieux inconvénients :
1- Ils sont très coûteux à mettre en lace et très dispendieux à entretenir.
2- Ils contaminent une quantité astronomique d’eau potable qui sert seulement à l’évacuation et au transport de ces matières vers les étangs de décantation.
3- Ils ne permettent pas une décomposition rapide et efficace des matières parce que celles-ci manquent des trois autres éléments (air, terre, et chaleur) nécessaires à un compostage naturel.
On se retrouve donc avec des boues suspectes qui ont coûté très cher en investissements d’infrastructures et en coûts environnementaux. On distribue par la suite ces boues aux agriculteurs sans en faire trop de publicité pour ne pas inquiéter la population, puis les agriculteurs vont en disposer discrètement sur leurs terres. Ceci est ce qui se passe de mieux quand tout va bien. Mais on sait aussi que, faute d’investissements dans certaines villes et villages, plusieurs réseaux d’égouts ne sont même pas dirigés vers des étangs de décantations et vont se jeter directement dans des cours d’eau. Parfois encore, lors de périodes de grandes précipitations, certains systèmes ne suffisent plus à absorber dans leurs bassins de rétention le flux d’eau contaminée et débordent aussi dans les cours d’eau, quand ce ne sont pas des opérations d’entretien ou de réparation qui forcent les autorités à ouvrir les vannes vers le fleuve, comme on a vu à Montréal.
L’idée d’utiliser l’eau semblait être, au départ, un progrès qui allait de soi. Mais on se rend bien compte, aujourd’hui, du piège que cette solution « facile » comporte. Si on cherche une solution naturelle et durable, il faudra éventuellement se tourner vers un compostage sain et efficace qui met en jeu les quatre éléments nommés plus haut.
Les toilettes à compost existent et il faudra travailler à leur amélioration pour les adapter aux villes. En campagne, lorsque les habitations sont éloignées les unes des autres, le volume de matières générées par une habitation peut être étonnamment petit. Et il se réduit davantage une fois le tout bien composté, si bien que ce compost peut facilement être utilisé comme fertilisant pour la végétation à proximité.
En ville, il faut repenser les systèmes de toilettes dans les constructions, surtout éventuellement les constructions neuves. Car, tout ne pouvant se faire du jour au lendemain, il faut prévoir une période de transition. Les habitations à logements multiples auront avantage à disposer de fosses à compostage communes. La matière pourra se composter sur place, directement dans ces fosses, ou, plus probablement encore, être collectée et transportée dans des centres de transformation et de valorisation. Du méthane pourra en être tiré en plus des fertilisants, sans compter la possibilité de récupérer la chaleur produite lors de l’opération.
Le problème de la manipulation et du transport est, sans doute, ce qui inquiète le plus. On peut imaginer utiliser des sacs de plastique compostables pour recueillir les matières et les disposer dans une chute à compost, par exemple. Pensons aux sacs qui sont parfois distribués dans les avions aux personnes qui ont le mal de l’air. Il paraît aussi qu’on peut faire un plastique compostable à partir du chanvre. On pourrait remettre à l’honneur la culture de cette plante qui, de surcroît, peut, avec sa fibre, fournir d’excellents matériaux de construction et, par sa graine, apporter des protéines et autres nutriments à notre alimentation.
Il faut également prévoir un assainissement de ce qui se retrouve souvent dans les toilettes. Les germes de maladies qui peuvent se retrouver dans les excréments peuvent être éliminés par la chaleur et un compostage bien contrôlé. Mais dans ces mêmes toilettes on retrouve également des contaminants de toutes sortes : antibiotiques, hormones, médicaments, savons, teintures et une quantité de produits qui ne devraient jamais s’y retrouver : peinture, vernis, décapant, diluant à peinture, déchets liquides de toutes sortes versés discrètement dans le bol parce que souvent on ne sait pas quoi en faire, comment en disposer. D’ailleurs je me pose la question : combien de gens qui font des travaux de peinture lavent leurs pinceaux et outils dans le lavabo sans se questionner sur l’impact de ces rejets. Réfléchir sur un nouveau système de toilette nous forcera également à considérer le problème de tous les rejets toxiques qu’on confie actuellement au réseau d’égout en se fermant les yeux, le nez et la conscience. Il faudra offrir au citoyen des produits non toxiques ou bien des moyens pour en disposer correctement. Actuellement nous n’avons accès à ni un ni l’autre. Il n’est pas étonnant que nos eaux soient si contaminées.
Par ailleurs un système de compostage n’éliminerait pas complètement le besoin d’évacuer les eaux usées de nos habitations. Douches, bains, lavages de vaisselle ou de vêtements, rejettent une eau qui est contaminée aussi, mais à un degré moindre. D’une part cette contamination pourrait être fortement réduite par l’utilisation de produits écoresponsables, ce qui implique une éventuelle réglementation et de profonds changements dans les habitudes de consommation. Par ailleurs le volume de ces eaux usées pourrait continuer à être dirigé vers le système existant, tant que de nouvelles solutions ne seront pas développées. Mais il représentera alors seulement une portion de ce que le système actuel a à digérer. Pour les habitations isolées en milieu rural ou semi rural, ces eaux pourraient être absorbées par la végétation des terrains, à la condition, idéalement, que les habitants utilisent des produits de nettoyage écologiques.
Ainsi, en milieu rural ou dans les villages moins densément habités, on pourrait se passer complètement d’un réseau d’égouts. En ville celui-ci serait progressivement destiné à conduire les eaux grises (lavabos, douches, bains, laveuses) vers un site de traitement allégé et, éventuellement vers des terrains qui pourraient les absorber (parcs, boisés).
Il ne s’agit donc pas d’une solution unique qui règlerait tous les problèmes mais plutôt d’un ensemble de changements à nos habitudes qui nous mèneraient à un mode de vie plus écologique, plus économique et plus sain.
Guy Richer, avril 2019
– Réglementation sur les produits toxiques
Engrais, pesticides, huile, essence, lave-glace, savons, peintures, diluant, abrasifs sur les routes etc.
– Système de santé et Pharma-Québec
– Autonomie alimentaire et économique
– Capitalisme tempéré
Impôt progressif, courbe
– Sécurité et décrochage scolaire
– Nous travaillons trop
1er exemple: l’obsolescence programmée. Lorsque nous fabriquons quelque chose, n’importe quoi, un porte poussière, un viaduc d’autoroute, un téléphone, une maison, un vêtement, etc., nous avons le choix entre y mettre plus de temps et d‘énergie pour faire quelque chose de solide et de qualité qui va durer longtemps ou bien faire le minimum, juste assez pour que l’objet arrive à remplir sa fonction. Naturellement, dans le deuxième cas, il faut recommencer souvent, ce qui, au bout du compte, exige plus de travail, sans compter les inconvénients d’avoir à utiliser des objets plus ou moins fiables, dangereux parfois. On connaît les raisons de cette attitude: compétition des marchés qui demande de produire au plus faible coût possible et désir des fabricants de s’assurer un renouvellement des commandes pour leurs produits.
2e exemple: fabrication de produits inutiles, voire nuisibles. Un appareil pour souffler les feuilles mortes de la pelouse est-il un gadget vraiment efficace? Si on compte l’énergie qu’il faut pour le fabriquer, le transporter puis en faire tourner le moteur, puis l’énergie pour le manipuler, ne serait-il pas plus économique, et plus sain comme exercice physique de juste utiliser un bon vieux râteau à feuilles? Et d’ailleurs, la plupart du temps, il serait mieux de laisser les feuilles mortes sur le sol où elles vont participer naturellement à sa fertilisation, ce qu’elles font gratuitement depuis des millions d’années. Enfin, l’opérateur de cet appareil respire malgré lui des gaz chargés de produits toxiques et embête les voisins avec le vacarme de sa machine. Mais, bien sûr, il faut vendre quelque chose si on veut avoir un salaire. Alors, comme tout le monde a déjà tout, il faut créer de nouveaux besoins. On cherche une idée de bibelot pour meubler les maisons ou un gadget pour encombrer les cabanons.
3e : Nous avons un mode de vie malsain qui entraîne un besoin démesuré de services en soins de santé. Si Jésus descendait sur la terre et disait : « Bon! J’ai envie de faire un gros miracle; à partir d’aujourd’hui tout le monde sera en parfaite santé! » Imaginez le nombre de médecins, infirmières, préposés, cuisiniers et balayeurs d’hôpitaux, pharmaciens, chercheurs de laboratoires, administrateurs, entrepreneurs en construction, livreurs d’échantillons etc. qui seraient en chômage du jour au lendemain. Par ailleurs pensons à celui qui s’achète une voiture se disant que ça lui donnera accès à un emploi plus payant et qui se dévoue en temps supplémentaire pour pouvoir payer sa voiture. Comme il passe trois heures par jour assis au volant et 45 heures par semaine devant un ordinateur, il se paye un abonnement au gymnase pour garder sa forme, sans compter les pilules, suppléments et autre p’tites granules pour lesquelles il doit aussi travailler.
4e : Nous travaillons aussi pour produire des aliments raffinés et super-transformés qui, souvent, nous apportent un réconfort instantané mais qui ont des effets négatifs sur notre santé à long terme : confiserie, charcuterie, Coca-Cola et autres eaux sucrées, alcool, chips, bouffe-vite, cigarettes et autres drogues. Il me semble qu’une alimentation plus frugale et plus saine, coûte moins cher et, de ce fait, nous demande moins de travail.
5e : Il y a un cercle vicieux entre l’amélioration de nos moyens de transport et l’augmentation de nos besoins de déplacement. Depuis l’apparition de l’automobile, nous avons travaillé à refaire nos structures urbaines en fonction des nouveaux moyens de transport que l’auto permettait. Maintenant nous avons besoin de l’auto pour presque toutes nos activités quotidiennes. Cette nouvelle dépendance nous demande beaucoup de travail: construction et entretien des ponts et routes, comme des autos elles-mêmes, réparation des dégâts causés à l’environnement et à notre santé (vu qu’on marche moins) et longs moments passés assis en voiture, qui n’est pas un travail comme tel mais qui gruge notre temps, notre moral et notre santé.
6e : Notre société cultive la méfiance et la peur, ce qui entraîne beaucoup de travail pour des contrôles de toutes sortes, vérifications comptables, archivage de factures, rapport d’impôts, systèmes de protection, caméras de sécurité, clôtures, cadenas, assurance-ci, assurance-ça, police, armée, dispositifs de surveillances. Imaginez une société qui cultive plutôt la confiance. Combien de gens se retrouveraient disponibles pour s’occuper à autre chose si toute cette méfiance et ces peurs disparaissaient?
7e : La pollution. Sous toutes ses formes elle nous oblige à beaucoup de travail. L’habitude universelle de tout jeter nos déchets à l’eau, y compris ce qu’un vieil agronome appelait le fumier de chrétien, nous oblige à construire de coûteuses installations d’égout et de traitement d’eau. Les toilettes à compost existent mais font peur aux âmes sensibles et ne plaisent pas au lobby des poseurs de canalisations. Dans ce domaine comme dans d’autres aspects de la gestion des déchets on ne se rend pas compte qu’il faut beaucoup moins de travail pour gérer les déchets à la source que de les laisser s’accumuler en amont. C’est peut-être qu’on est plus sensible à une petite facture individuelle qu’à une énorme facture collective. Si tous les objets fabriqués étaient conçus dès le départ pour être durables et facilement recyclables, on s’épargnerait, encore une fois, beaucoup de travail.
Et que ferions-nous si arrivions à réduire à 25% notre temps de travail? On pourrait réaliser que 75% de chômage dans une société est une bénédiction car avec tous ces gens disponibles on pourrait se partager équitablement le 25% de travail qui resterait. Ce serait presque du bénévolat généralisé et heureux car tout le monde aime se rendre utile et se sentir apprécié pour son apport au groupe. Mais, pour l’instant, il y a un obstacle: la pensée capitaliste a besoin de se fonder sur une hiérarchie pour que le système fonctionne. Pour ce faire, elle cultive le sentiment de compétition, la peur d’être mangé par plus gros que soi (nous sommes dans un jeu de monopoly après tout), le besoin de croître perpétuellement, l’augmentation constante des besoins (il faut bien vendre quelque chose) ainsi que la peur et la méfiance, comme je le disais plus haut.
Guy Richer le 19 décembre 2016