Nous travaillons trop
Version:1.0 StartHTML:0000000218 EndHTML:0000010807 StartFragment:0000002497 EndFragment:0000010771 SourceURL:file://localhost/Users/guyricher/Documents/Textes%20de%20r%C3%A9flexion/Nous%20travaillons%20trop.doc
1er exemple: L’obsolescence programmée. Lorsque nous fabriquons quelque chose, n’importe quoi, un porte poussière, un viaduc d’autoroute, un téléphone, une maison, un vêtement, etc., nous avons le choix entre y mettre plus de temps et d‘énergie pour faire quelque chose de solide et de qualité qui va durer longtemps ou bien faire le minimum, juste assez pour que l’objet arrive à remplir sa fonction. Naturellement, dans le deuxième cas, il faut recommencer souvent, ce qui, au bout du compte, exige plus de travail, sans compter les inconvénients d’avoir à utiliser des objets plus ou moins fiables, dangereux parfois. On connaît les raisons de cette attitude: compétition des marchés qui demande de produire au plus faible coût possible et désir des fabricants de s’assurer un renouvellement des commandes pour leurs produits.
2e exemple: Fabrication de produits inutiles, voire nuisibles. Un appareil pour souffler les feuilles mortes de la pelouse est-il un gadget vraiment efficace? Si on compte l’énergie qu’il faut pour le fabriquer, le transporter puis en faire tourner le moteur, puis l’énergie pour le manipuler, ne serait-il pas plus économique, et plus sain comme exercice physique de juste utiliser un bon vieux râteau à feuilles? Et d’ailleurs, la plupart du temps, il serait mieux de laisser les feuilles mortes sur le sol où elles vont participer naturellement à sa fertilisation, ce qu’elles font gratuitement depuis des millions d’années. Enfin, l’opérateur de cet appareil respire malgré lui des gaz chargés de produits toxiques et embête les voisins avec le vacarme de sa machine. Mais, bien sûr, il faut vendre quelque chose si on veut avoir un salaire. Alors, comme tout le monde a déjà tout, il faut créer de nouveaux besoins. On cherche une idée de bibelot pour meubler les maisons ou un gadget pour encombrer les cabanons.
3e : Nous avons un mode de vie malsain qui entraîne un besoin démesuré de services en soins de santé. Si Jésus descendait sur la terre et disait : « Bon! J’ai envie de faire un gros miracle; à partir d’aujourd’hui tout le monde sera en parfaite santé! » Imaginez le nombre de médecins, infirmières, préposés, cuisiniers et balayeurs d’hôpitaux, pharmaciens, chercheurs de laboratoires, administrateurs, entrepreneurs en construction, livreurs d’échantillons etc. qui seraient en chômage du jour au lendemain. Par ailleurs pensons à celui qui s’achète une voiture se disant que ça lui donnera accès à un emploi plus payant et qui se dévoue en temps supplémentaire pour pouvoir payer sa voiture. Comme il passe trois heures par jour assis au volant et 45 heures par semaine devant un ordinateur, il se paye un abonnement au gymnase pour garder sa forme, sans compter les pilules, suppléments et autre p’tites granules pour lesquelles il doit aussi travailler.
4e : Nous travaillons aussi pour produire des aliments raffinés et super-transformés qui, souvent, nous apportent un réconfort instantané mais qui ont des effets négatifs sur notre santé à long terme : confiserie, charcuterie, Coca-Cola et autres eaux sucrées, alcool, chips, bouffe-vite, cigarettes et autres drogues. Il me semble qu’une alimentation plus frugale et plus saine, coûte moins cher et, de ce fait, nous demande moins de travail.
5e : Il y a un cercle vicieux entre l’amélioration de nos moyens de transport et l’augmentation de nos besoins de déplacement. Depuis l’apparition de l’automobile, nous avons travaillé à refaire nos structures urbaines en fonction des nouveaux moyens de transport que l’auto permettait. Maintenant nous avons besoin de l’auto pour presque toutes nos activités quotidiennes. Cette nouvelle dépendance nous demande beaucoup de travail: construction et entretien des ponts et routes, comme des autos elles-mêmes, réparation des dégâts causés à l’environnement et à notre santé (vu qu’on marche moins) et longs moments passés assis en voiture, qui n’est pas un travail comme tel mais qui gruge notre temps, notre moral et notre santé.
6e : Notre société cultive la méfiance et la peur, ce qui entraîne beaucoup de travail pour des contrôles de toutes sortes, vérifications comptables, archivage de factures, rapport d’impôts, systèmes de protection, caméras de sécurité, clôtures, cadenas, assurance-ci, assurance-ça, police, armée, dispositifs de surveillances. Imaginez une société qui cultive plutôt la confiance. Combien de gens se retrouveraient disponibles pour s’occuper à autre chose si toute cette méfiance et ces peurs disparaissaient?
7e : La pollution. Sous toutes ses formes elle nous oblige à beaucoup de travail. L’habitude universelle de tout jeter nos déchets à l’eau, y compris ce qu’un vieil agronome appelait le fumier de chrétien, nous oblige à construire de coûteuses installations d’égout et de traitement d’eau. Les toilettes à compost existent mais font peur aux âmes sensibles et ne plaisent pas au lobby des poseurs de canalisations. Dans ce domaine comme dans d’autres aspects de la gestion des déchets on ne se rend pas compte qu’il faut beaucoup moins de travail pour gérer les déchets à la source que de les laisser s’accumuler en amont. C’est peut-être qu’on est plus sensible à une petite facture individuelle qu’à une énorme facture collective. Si tous les objets fabriqués étaient conçus dès le départ pour être durables et facilement recyclables, on s’épargnerait, encore une fois, beaucoup de travail.
Et que ferions-nous si arrivions à réduire à 25% notre temps de travail? On pourrait réaliser que 75% de chômage dans une société est une bénédiction car avec tous ces gens disponibles on pourrait se partager équitablement le 25% de travail qui resterait. Ce serait presque du bénévolat généralisé et heureux car tout le monde aime se rendre utile et se sentir apprécié pour son apport au groupe. Mais, pour l’instant, il y a un obstacle: la pensée capitaliste a besoin de se fonder sur une hiérarchie pour que le système fonctionne. Pour ce faire, elle cultive le sentiment de compétition, la peur d’être mangé par plus gros que soi (nous sommes dans un jeu de monopoly après tout), le besoin de croître perpétuellement, l’augmentation constante des besoins (il faut bien vendre quelque chose) ainsi que la peur et la méfiance, comme je le disais plus haut.
Guy Richer le 19 décembre 2016
guyricher@cgocable.ca