Profiter de l’expérience du covid19 pour réorienter le système de santé
Il me semble avoir entendu Amir Khadir dire que la plus grande partie de l’augmentation des coûts de santé, ces dernières décennies, serait due aux médicaments. De plus, même si personne n’ose le dire, on doit admettre que l’industrie pharmaceutique est en flagrant conflit d’intérêts. Elle a deux buts: la santé et l’argent. Mais plus les gens sont en santé, moins il y a d’argent à faire. Pour cette raison, elle crée des médicaments qui font disparaître les symptômes sans s’attaquer aux causes du problème (mauvaise hygiène de vie, mauvaise alimentation, tabac, alcool, manque d’exercice ou de sommeil, stress, pollution, problèmes psychologiques et sociaux, pauvreté, etc.). Bien sûr, la prévention n’est pas son rôle, direz-vous, et on obtient quand même, grâce aux médicaments, un soulagement temporaire. Mais, tant qu’on n’agit pas sur les causes, on aura besoin, éventuellement, d’autres médicaments, Et ça, la Pharma se garde bien de trop en parler. Par ailleurs on sait qu’il existe depuis des centaines d’années, des plantes et autres médecines naturelles, dont Pharma s’inspire mais en s’obstinant à les imiter par des assemblages de molécules synthétiques. Pourquoi? Pour isoler les principes actifs, les rendre plus efficaces et plus pratiques à utiliser (une p’tite pilule, une p’tite granule) et à commercialiser. En réalité, tout le monde sait très bien que, si une entreprise investissait plusieurs millions dans des études pour vérifier la valeur thérapeutique de substances naturelles (imaginons par ex. des feuilles d’érables ou des branches de sapin) et qu’elle arrivait à la conclusion qu’elles seraient efficaces contre des cancers ou autres maladies graves, elle ne pourrait pas faire profiter son investissement en publiant cette recherche parce que chacun irait se cueillir de l’érable et du sapin gratuitement. Alors bien sûr, si elle fait cette découverte, elle ne la publiera pas. Si elle s’est engagée dans ce genre de recherche c’est avec l’espoir de synthétiser des molécules pour pouvoir les breveter.
En Amérique du Nord, au début du XXe siècle, on s’est mis à subventionner l’enseignement de la médecine qui était orienté par le principe: une maladie = un médicament (de synthèse, de préférence). Tout ce qui ne suivait pas cette ligne directrice (phytothérapie, acupuncture, ostépathie, naturopathie, homéopathie, chiropratique, etc.) n’était pas soutenu, était souvent ridiculisé, étiqueté de charlatanisme et parfois rendu illégal. Nos médecins ont donc été instruits à cette école de pensée et si d’aventure ils s’ouvrent un peu trop aux alternatives, ils risquent d’être rappelés à l’ordre, voire de perdre leur permis de pratique. Les informations qu’ils reçoivent concernant les médicaments, à l’école ou lorsqu’ils sont en pratique, leur proviennent de Pharma qui en possède la science. Les médecins n’ont pas le temps ni l’énergie pour vérifier les études, les données, la méthodologie, les biais, les statistiques, etc. liés à ces nouveautés. Ils font confiance à l’industrie. Ils n’ont aussi pas souvent le temps de vérifier les conditions de leurs patients ni de leur expliquer en détail les possibles effets secondaires.
L’État, de son côté, fait aussi confiance à cette industrie, et lui sert docilement de vache à lait. Les coûts augmentent constamment. On dit qu’au Québec ils en seraient actuellement à 50% du budget global. Imaginez votre budget personnel: loyer ou hypothèque, transport, alimentation, assurances, soins dentaires, vêtements, loisirs, chauffage, et éducation représenteraient 50% ; l’autre 50% serait dédié à vos consultations de médecins, vos médicaments et vos traitements à l’hôpital ou ailleurs. Ou bien on n’est pas une société en santé, ou bien il y a de l’argent qui se perd en quelque part (mais pas dans les quelques parts que vous pourriez détenir dans l’industrie de la santé).
À Québec solidaire, on parle depuis longtemps de mettre sur pied Pharma-Québec. Je n’ai pas d’informations précises sur ce projet. Est-ce qu’il s’agit seulement de créer un organisme qui pourrait avoir des meilleurs prix sur les médicaments? Ce serait déjà bien, mais je pense que ce serait une occasion d’aller beaucoup plus loin. D’abord Pharma-Québec pourrait subventionner ses propres laboratoires (dans les universités ou ailleurs) et produire ses propres médicaments pour moins dépendre du marché. Mais elle pourrait aussi faire de la recherche dans le but de valider (ou invalider selon le cas) les médicaments et autres cures naturelles. Les résultats seraient publiés ouvertement et permettraient de légaliser des traitements actuellement trop marginalisés tout en les encadrant. Ainsi, en utilisant des médicaments non brevetés, l’État et la population en général verraient leurs coûts baisser. Mais ces recherches pourraient quand même représenter des investissements énormes. C’est ici que peut entrer en jeu la solidarité internationale. On sait qu’il existe des ententes entre plusieurs pays pour envoyer, par exemple des satellites de recherche scientifique dans l’espace et en partager les résultats. On sait aussi très bien que la plupart des pays industrialisés ont un problème commun en rapport avec le monopole de l’industrie pharmaceutique et la dévalorisation des remèdes non brevetés. Il s’agirait de regrouper un nombre suffisant d’états coopératifs, de partager le travail de recherche et d’en partager les résultats, au bénéfice de tous.
On peut faire encore un pas en orientant l’éducation sociale vers la médecine préventive; par exemple avec des campagnes d’information sur les méfaits du sucre ou autres produits nocifs comme on l’a fait pour le tabac et l’alcool, avec des cours de cuisine santé dans les écoles, même pour les tout-petits, avec la promotion de sports non compétitifs axés vers le plaisir et le bien-être. On peut revaloriser les médecines alternatives en en subventionnant une portion, ce qui réduirait aussi l’usage des hôpitaux. On peut agir aussi par des réglementations bannissant les produits toxiques, en taxant fortement les aliments fortement transformés et reconnus nocifs, en éliminant les additifs suspects et limitant les publicités trompeuses. On peut aussi parler d’encourager l’agriculture biologique, la souveraineté alimentaire, l’achat local. Évidemment, on voit que tout est relié et je dois m’arrêter ici pour ne pas trop déborder.
Tout compte fait, la santé à meilleur coût, y a rien de trop bio!
Guy Richer Val-David 16 mai 2020